Revue de presse

Moto-Journal 432 (Novembre 1979)

Le phénomène Martin
Essai Honda et Kawa "Série 1"

 

Mille trois cent trente cadres depuis 1972, une entreprise en pleine expansion, un début d'exportation et une image qui galope dans le monde des motards. les martin réussisent une perçée remarquée dans le domaine ambigu des motos de rêve. La clientèle des café-racers est bien vivante malgré les radars et les taxes. Nous avons donc essayé celles qui vous fait rêver. Rien de plus difficile car avec ce genre d'engin, l'objectivité n'est d'aucun secours. Contestable sur le plan de la réaliste, la Martin est enivrante dès qu'on bascule dans le rêve. Alors j'ai basculé et Lacombe est resté sur la terre ferme. Vous choisirez votre place.


Le rêve

Ce matin, je suis pilote. Un mécanicien amène sur le trottoir la kawa martin et c'est elle qui me fait comprendre d'un coup, avec son cantilever et ses commandes reculées que je suis pilote. Il me fait le plein et je pars pour la course.

Installation sans problème à ma grande surprise. Je m'emboîte juste dans le carénage, le ventre sur le réservoir, les genoux collés au cadre, l'oeil dans la bulle. La Kawa fait un bruit normal ce qui est anormal pour une moto de course mais je ne m'arrête pas à ces détails. Pas plus que je formalise de cette ville autour de moi qui défile sans soucier d'emcombrer mon circuit. Jean-Louis a réglé la Kawa au poil. Il est feutré en bas, rauque sur le couple et il rugit dans les tours comme un vrai kawa. Mon circuit vers l'île de Noirmoutiers ressemble un peu au TT de l'île de Man. Grandes courbes masquées dans les villages et petits coins autour d'un poteau télégraphique. J'attaque. Une moto comme çà, c'est fait pour attaquer. On n'est pas dans la position de tempérer et de marquer des points sans gloire. J'ai quand même une surprise tout de suite. Je ne suis pas Roberts mais Chemarin.

Le Bol sur la route

Ca ne me contrarie pas longtemps car déjà les grandes courbes rapides arrivent et je dois me concentrer sur ma trajectoire. Les petites bosses ne me dérangent pas. Mon cadre c'est un dur, il encaisse sans broncher et je sens les roues découper le virage avec précision. Mis en confiance, j'ouvre en grand dans la courbe suivante. La Martin vire à plat, une merveille et soudain, je vois la trainée de sable. Une sueur froide m'inonde et je passe cinq centimètres à gauche. Les commissaires de pistes, où sont-ils nom de dieu! Je reprends mon calme et entre séchement dans le double droit qui entame une ligne droite sous les bois. Je ne peux m'empêcher de rire sous le casque tellement je suis bien à sentir le cantilever boxer la route précisément. En sortie, ma trajectoire se termine dans un pansement de bitume boursouflé. La Martin arrive dessus et guidonne comme une malade. Je coupe et souffle un grand coup. C'est le métier qui rentre.

J'ai perdu du temps avec tout çà et je ne sais plus où j'en suis. Ou est mon panneautage ? j'entre dans un lieu-dit à fond de troisième. Tu ne peux pas être en désordre avec cette moto. Elle t'oblige à faire le beau. Je m'applique à sortir en utilisant toute la piste comme me l'a dit Léon quand une grand-mère laisse échapper son roquet. Je ne bouge plus et passe en serrant les fesses. L'immonde corniaus fait merche arrière et nous sauve la vie. Ou est le service d'ordre ? C'est scandaleux de courir dans ces conditions !

Tous ces événements m'ont ébranlé et je suis prêt à abandonner la course quand je tombe sur une série de virages lisses, dégagées, en pleine campagne. Du coup, je reprends espoir, et rentre le menton dans la bulle. Je passe le premier gauche en douceur, c'est trop lent, je suis arrêté dedans, à 20 bornes des possibilités de la moto ! Par contre, je suis parfait dans le second, tellement bien que je viens chercher le trottoir du genou et que je rentre tout dans le carénage pour gagner en pénétration pour le bout de droit. Un espèce de taré en 504 me fait des appels de phare en me croisant ! Qu'est-ce qu'il fout à contresens de la course ce dinguo ?


La réalité

"Ce qui m'a le plus frappé dans la conduite de la Kawa Martin c'est que cette moto donne envie d'être précis. C'est beaucoup plus tranchant et net en tenue de route qu'une moto de série ", ainsi parle Alain qui, pour la première fois, a mis les fesses sur un café-racer. L'envie d'être précis tient aussi d'une position de conduite avec guidons bracelets qui donnent une direction monobloc. C'est un fait que la tenue de route de la Kawa Martin est bien nette. C'est le genre de moto qui suit l'esprit du pilote comme son ombre. On pense la trajectoire que déjà elle y est et s'y tient. Nette aussi par l'absence de réaction lorsqu'elle est sur l'angle. Pas de survirage ou de souvirage ou de louvoiement ou de tendance à se relever. Le bloc. Jugement porté après une pointe de folie sur une route bien lisse.

Passé 180 km/h dans les grandes courbes, on note une faiblesse au niveau de la fourche avant. Petit problème de dribblage commun à toutes les fourches japonaises de grosses cylindrées. Sur une moto de série, plus lourde, ce phénomène apparaît bien avant 180.

Georges Martin déclare :
"Nous connaissons ce problème et votre Kawa d'essai avait la fourche ZJR et non celle de la Z1R. La modification est mineure: cales, huile, ressort transforment complètement son comportement. Les fourches d'origine modifiées sur les Kawa, Honda, Suzuki donnent de très bons résultats, mais si vous voulez le nec plus ultra, il faudra monter une fourche Martin".

Improviser

On peut penser qu'avec une chasse beaucoup plus importante, la Kawa Martin est moins maniable qu'une Z1R. Il n'est est rien sur le terrain. D'une part, parce que la Martin est plus légère que la Z1R mais aussi parce qu'elle est plus courte. Néanmoins, dans les pif-paf rapides, on préfère la Z1R que l'on bouscule à grands coups de son large guidon. Les bracelets de la Martin demandent une conduite plus appliquée. un peu comme en course. Alain résume : "Avec la Martin, on ne peut pas vraiment improviser alors que la conduite sur route c'est beaucoup d'improvisation. Sur la belle route, je me suis vu en pilote de vitesse mais lorsque la route ne ressemble plus à un circuit la moto te rappelle qu'elle est une grosse chose" et de compléter son information " Je pense qu'elle est bien meilleure que la moto de série sur très bonne route, pareille sur route moyenne et nettement en-dessous sur départementale ça veut dire que, globalement elle n 'est pas formidable. Mais attention, pour le gars qui sort le dimanche pour faire son circuit de routes bien lisses et bien dessinées, c'est une moto de rêve quand même, et peut être même une école de pilotage en ce sens que la Martin tant qu'on est frais, donne envie de bien conduire, ce n'est pas négligeable. "

Moto sprint

En résumé, les jugements favorables se dégradent avec l'état de la route. Le facteur confort de conduite prend alors une grande importance. Je précise tout de suite que la Martin, grâce à son Cantilever, est certainement le café-racer le plus confortable. Reste la position sport qui vous casse les poignets et une selle rembourrée noyau de pêche qui vous scie l'intérieur des cuisses. Pourquoi ne pas faire une forme de selle inspirée des cavalières ? Sinon le dosseret cale bien le pilote, en mono bien sur. Il suffirait d'ajouter un bon sac de réservoir pour s'affaler dessus et s'apercevoir que la Martin peut s'aventurer dans de vrais voyages.

Pour en revenir à la position de conduite Alain (1,82 m) est mieux sur la Honda que sur la Kawa, alors que j'ai (1,72m) noté l'inverse. Enfin, pour des café-racers les repose-pieds ne sont pas trop hauts. Le fait de sauter d'une moto conventionnelle à une Martin déphase complètement et met en exergue les problèmes de position de conduite et de confort. Le propriétaire de Martin, lui, oubliera très vite ces différences d'autant plus qu'il l'utilisera rarement sur de longs parcours. Avec son réservoir de 21 litres, l'autonomie est largement suffisante.

Pilote-metteur au point

Etre bon pilote, c'est bien mais être fin metteur au point c'est encore mieux. Sur une moto conventionnelle, la partie est difficile et souvent faussée par un cadre médiocre. Avec la Martin, vous avez une base saine avec un bon cadre pour exercer vos talents de metteur au point. C'est passionnant de trouver le bon réglage de l'amortisseur arrière, le bon accord avant-arrière, fonction du poids du pilote et de son style de conduite. Bien sur, la Martin d'origine est bien réglée mais il est possible d'encore améliorer. Le Cantilever a, comme principal avantage, un grand débattement (donc confort) mais en contrepartie, il est délicat de trouver le bon accord suspension avant-suspension arrière... sans rien perdre du confort.

Comportement moteur

Là, rien d'extraordinaire à signaler. Le moteur de la Kawa, comme celui de la Honda est d'origine. On retrouve donc les agréments des motos de série à savoir très bonne souplesse et bon couple. Du fait du gain de poids par rapport à la grande série (30 à 40 kg), les accélérations sont sensiblement meilleures. La vitesse de pointe, elle, n'a pas changé puisque les démultiplications primaires et secondaires Sont celles des motos d'origine. Toutes les Z1R ou Z2R ne prennent pas leur maximum en 5ème. Avec la Martin, on est sûr d'amener l'aiguille dans le rouge. Question de CX (carénage) et gain de poids. On pourrait même faire tirer une dent de plus en sortie de boite.

Sur la Kawa, les vibrations ne sont pas plus sensibles que sur une Z1R classique. Par contre, la Honda vibrait beaucoup au niveau du guidon. Martin nous a expliqué qu'il suffisait de monter en bout de guidon les contrepoids (environ 200g chacun) qui équipent les 900 Bol d'Or de série. Reste le problème des rétroviseurs montés sur le carénage et qui vibrent beaucoup au point d'être illisibles même en ville. Autres éléments qui procurent entière satisfaction, la boite de vitesses et l'embrayage.

Le freinage

La Kawa comme la Honda étaient équipées des freins d'origine. Là encore le gain de poids sur l'ensemble de la moto apporte une amélioration. La Kawa ne disposait pas des nouveaux freins plaquettes métal mais on sait combien ces nouveaux freins sont efficaces... au point de rendre inutile le montage des freins Brembo qui sont proposés sur la série 2.


L'essai en bref

Eclairage: pour vous parler franchement on ne l'a pas testé mais avec deux phares à iode, il est certainement bien sous tous les rapports et de plus les deux phares donnent une bonne gueule à la moto.

Antivol: notre Kawa en était dépourvue, la Honda avait un emplacement prévu sur la colonne de direction. Au moment de passer commande, il suffit de demander à Martin la pose de l'antivol. De toute façon, ce sont des motos que l'on couve des yeux et qui dorment sous clé.

Clé de contact, starter, tableau de bord, poignée de gaz, commodos sont autant d'accessoires qui proviennent de la moto de série Kawa, Honda ou Suzuki. On connaît ces accessoires. Ils sont dans l'ensemble d'excellente qualité et il eut été ridicule de monter autre chose.

Trousse à outils: il n'y en a pas et il n'est pas prévu d'emplacement pour en loger une. D'ailleurs, il n'est prévu aucun emplacement de rangement.

Béquille: subsiste une latérale ce qui crée un problème en cas de crevaison et pour le changement de pneu.

 

MARTIN: Ce réaliste qui fabrique du rêve

Il y a encore une semaine les motos qui font rêver toute une partie de la France motarde étaient assemblées dans une pièce de trois mètres sur cinq. Quand nous sommes arrivés, un mécanicien balayait les lieux en secouant sa nostalgie. Un nouveau local sera désormais exclusivement réservé au montage et à la réparation des Martin. C'est le deuxième volet de l'expansion Martin, le premier étant l'achat en début d'année d'un local de 1000 mètres carrés, car s'il fabrique des motos de rêve, Georges Martin est un stratège qui garde les pieds sur terre et a le sens des affaires. Aussi après avoir longuement hésité, il s'est lancé dans l'artisanat industriel avec une lucidité qui lui permet d'éviter les deux pièges menaçant tout individu décidé à bâtir: les idées de grandeur et la modestie.

Georges n'est pas peu fier de ce six cylindres Honda. La largeur du moteur lui a posé un nouveau problème. "Je dégrossis d'abord l'empattement. l'angle de chasse et la position du moteur, l'instinct et l'expérience jouent à parts égales."

Quand Georges Martin vient vers vous, on se dit que c'est tout le contraire des cadres chromés qu'il vend. Un grand bonhomme avec des paluches qui battent l'air, une bouche qui rigole tout le temps et des lunettes qui chavirent sur le nez, le tout ficelé dans une blouse grise farcie de stvlos. On se dit qu'il ne va pas être bavard et il parle comme un torrent. C'est peut-être parce qu'il a du mal à démarrer, alors il ne veut plus s'arrêter. Oui il parle Martin, de ses motos, de ses clients de l'industrie et du reste. C'est comme ça qu'il nous S tout raconté en un après-midi, planté dans son hangar, alors qu'il venait de nous dire qu'il avait du boulot mais qu'il nous expliquerait tout le soir...

Où Martin s'explique sur son coup de crayon

"Les clients sont de plus en plus exigeants, commence Georges, ce qui est important c'est qu'ils ne se trompent pas sur les Martin. J'emploie souvent un exemple que je trouve révélateur en discutant avec ceux qui se plaignent d'avoir une moto encore trop lourde. Mes motos ne gomment pas les défauts des Japonaises ! Elles apportent une conduite différente, c'est tout. Si vous voulez, Simca a fait deux voitures à partir du moteur 1100, la Simca TI et la Baghera... mais ils n'ont pas fait une Ferrari ou une Porsche ! Et bien c'est pareil, j'habille une moto normale d'une façon différente et si elle est plus directe que la 1000 d'origine, elle ne devient pas une 500 de grand prix I "

Ce n'est pas un hasard si Martin parle d'entrée de ce que lui réclament les motards. Sa réussite est fonction, et il le sait, d'une écoute attentive des désirs motards.

"Les gars ont envie d'une certaine forme de technique qui n'est peut-être pas la plus efficace, mais la plus originale, la plus voyante. Le cadre est un bon exemple. Nous savons que le cadre ouvert qui équipe les Kawa et Suzuki encaisse moins bien la puissance dans des conditions optimum que le cadre fermé que j'ai dessiné pour la 900 Honda. Et bien les clients réclament le cadre ouvert parce qu'il est plus beau ! "

Là Georges te regarde dessous les lunettes pour voir si tu as bien compris, parce que c'est important. "Ce qui veut dire que nous devons faire très attention aux choix de nos solutions techniques. Les solutions valables an course sont souvent trop chères a réaliser et trop sophistiquées pour que les gars puissent les mettre au point. Alors, il faut chercher un compromis puisqu'ils veulent de la technique course ! Le Cantilever est un bon compromis entre le confort et la tenue de route et c'est aussi une solution originale...

Quand je dis que la solution ne doit pas être trop sophistiquée c'est parce qu'alors elle devient peu fiable dans le temps. Pour les Kawa, je pouvais faire un amortisseur droit type motos de vitesse de Ballington et Hansford; ç'aurait été un système magnifique mais fragile en égard au nombre supplémentaire de pièces an mouvement. "

Rajustage de lunettes et silence pour qu'on digère le principe et ses conséquences. "Il faut donc toujours étudier une pièce avec un triple objectif, un côté technique course qui fait notre clientèle, une simplicité de réalisation qui garantit la fiabilité, et avoir toujours le prix de revient dans la tête, car on peut tout faire mais pour quel prix ? "

Où on apprend comment les Martin sont fabriquées

D'entrée. la couleur est donnée. Martin n'est pas un rêveur et il rejette avec autant de netteté la construction d'une vraie moto de course que la mise an place d'une industrie livrée pieds et poings liés a la moto.

"J'ai longtemps hésité avant de me lancer à fond dans la fabrication à grande échelle. Tout l'hiver j'ai réfléchi. Le marché de la moto n'a pas un horizon de rêve et il faut regarder la réalité en face. Cependant, je me suis lancé sous certaines conditions. Le local en zone industrielle sert uniquement pour la soudure. Avec le montage et la réparation, ce sont les postes qui me concernent. Mais pour le reste nous sous-traitons tout.

Tourneur, chromeur, plastique et roues, pour tous ces postes je travaille avec l'extérieur, des ateliers spécialisés en général déjà liès au secteur automobile. L 'intérêt est double. Il est impossible à l'heure actuelle de trouver un personnel spécialisé dans la construction moto. Déjà pour former mes soudeurs, il a fallu du temps car c'est quand même spécial, alors s'il fallait assumer tout le reste... De Plus il y a un problème de rentabilité. Les gens avec qui nous travaillons livrent l'automobile et ont ainsi un volume de fabrication qui leur permet de baisser leurs prix. Si nous réalisions ces pièces nous-mêmes, elles seraient beaucoup plus coûteuses. Mais j'insiste aussi sur le problème du personnel. Quand j'ai monté l'atelier, l'ai recruté des gars forts en serrurerie, et bien il a fallu un temps pour qu'ils se spécialisent dans nos types de soudure. En plus, il est important que ce soient des gars du coin. Sinon ils ne restent pas et ça met la panique dans les délais. Je peux dire maintenant que j'ai moins peur qu'au début d'avoir investi 50 briques dans ce local. Quoi qu'il arrive je peux me recycler et faire travailler mes gars sur du matériel si la moto capote, cette polyvalence est notre survie en cas de crise, mais je ne crois pas qu'on en ait besoin. En fait, si ça se passe comme aux USA, plus il y aura limitation plus il y aura une cilentèle pour les café-racers...

Ce que je veux maintenant, c'est garder une dimension raisonnable à la fabrique et à l'intérieur d'elle peaufiner les secteurs. Exemple l'atelier de montage et de réparation, qui était dans le fond de ma concession multimarques, s'installe rue Buffon, mon premier local où je vais tacher d'installer un atelier ultramoderne de montage et de réparation. Il existe des outils aux Etats-Unis qui permettent de gagner un temps fou et puis c'est aussi une question de prestige. Il faudra que les clients voient ça. Ce sera peut-être long à amortir mais sur le plan de notre image ce sera bénéfique. Il faut aussi savoir penser ainsi. "

Où le réalisme de Martin est démontré

Mais les Martin ce sont aussi des moteurs Kawa, Honda, Sutuki ou d'autres encore à la commande. Là encore, Martin étonne par son sens des affaires évident. " Avec Kawa, j'ai réussi à obtenir les moteurs séparés mais Honda me vend les 900 Bol d'Or entières ou rien. Alors il faut que je me débrouille. Heureusement, comme je suis en rapport avec tous les motocistes qui me commandent des kits pour leur clients, je revends tout ce qui ne m'est pas utile sur la moto à un prix pièces détachées intéressant pour tout le monde. C'est le seul moyen de rentabiliser. Ce qui m'intéresse c'est de griller le réseau de distribution classique. La clientèle n'est pas éduquée à acheter par correspondance pourtant elle doit savoir qu'un représentant qui entre dans une boutique c'est déjà 15 % en plus !

C'est pourquoi j'essaie d'importer tout ce que je vends ou à la rigueur de passer par un grossiste au Japon. Pour les fourches Marrocchi et les disques Brembo, je finis par prendre de telles quantités qu'ifs me font des prix intéressants. Sinon, j'importe les filtres à air KN, les chaînes EKA, les kits Yoshimura.
Pour donner un ordre d'idée la chaîne directement du Japon vaut 390 F et achetée chez l'importateur, 776 F facture en main. Faut que les motards réfléchissent. J'insiste sur le détail des problèmes de prix parce que c'est vital. Si on ne tire pas les prix on dégoûte les motards et c'est comme ça que le marché va tomber parce qu'on écœure trop les gars. J'ai été motard et je sais ce que c'est de compter ses sous pour rouler ! "

Où Martin définit sa clientèle avec sagacité

"La moyenne d'âge des acheteurs de Martin se situe entre 20 et 21 ans. il y a deux sortes d'utilisateurs. Ceux qui font un tour avec et la rentre au garage ou ceux qui vont au boulot avec parce qu'ils n'ont rien d'autre.

Pour avoir discuté avec des centaines de clients, je pense que dans l'ordre des motivations vient en premier le souci d'avoir une belle moto pas comme les autres, puis l'intérêt technique en dernier lieu les sensations de pilotage.

J'ai 30 % de militaires de carrière de pompiers et de policiers dans ma clientèle. Ne rigoles pas, ça veut surtout dire que ce sont des gars qui ont une bonne paye fixe pour acheter une moto de trois briques. Au-delà de ça, ce sont essentiellement des types qui n'ont pas peur de traverser la France pour venir chercher leur moto et capables de la bricoler et de la régler à leur convenance. En un mot, ce ne sont pas des amateurs de moto presse-bouton. Dans la répartition des ventes, la région parisienne vient en premier puis la Côte-d'Azur enfin l'Est et le Nord. il est fréquent que l'achat d'une Martin dans un groupe entraîne d'autres achats. Les seuls gars qui m'échappent sont ceux qui voudraient leur moto maintenant ou jamais. Il y a un délai d'un mois ce qui n'est pas affolant quand on regarde les autres secteurs. La caractéristique de mes clients est aussi qu'ils veulent souvent des motos à la carte. Exemple la 900 que vous essayez et qui est montée avec une fourche standard alors que nous la prévoyons avec une Marzocchi. Chaque client à une idée de ce qu'il veut et il monte pratiquement sa moto avec notre catalogue. C'est surtout flagrant pour toute une partie de notre clientèle. Les accidentés qui pilent leur fourche et cadre et profitent des sous de l'assurance pour remonter leur bloc intact dans un cadre Mertin. Sans ceux-là, la masse de clientèle resterait limitée même s'ils n'ont pas tout à fait l'esprit des autres."

"Le prix reste mon obsession. Ouand je pense à Egli ou même à bimota, je me dis que c'est très beau mais trop cher. Il faut que le rêve soit accessible au porte-monnaie. Maintenant je vois où je vais et je peux aussi un peu respirer... "

 

A. Gillot et Ch. Lacombe
Moto-Journal, n° 432 de Novembre 1979